Leçons et expériences de la Révolution de 1979
Formation des luttes et premiers syndicats ouvriers
Les premiers embryons du mouvement indépendant de la classe ouvrière d’Iran se formèrent au début du vingtième siècle. Les ouvriers des imprimeries fondèrent le premier syndicat en 1905. A cette époque-là, les journées de travail étaient très longues et les salaires très bas. Le salaire de 14 heures de travail par jour satisfaisait à peine les besoins journaliers des ouvriers. Les femmes ouvrières recevaient 2/3 du salaire des hommes et les enfants la moitié de celui des femmes à travail égal. Les ouvriers demandaient l’augmentation des salaires et la baisse du temps du travail au cours de leurs premières luttes. Les ouvriers imprimeurs organisèrent leur première grève la même année et obtinrent 10 heures de travail par jour au lieu de 14. En cette même année, les ouvriers des industries de la pêche participèrent à une grève pour l’augmentation des salaires. Un an plus tard les ouvriers des wagons de Téhéran appelèrent à une grève contre le licenciement des ouvriers et pour l’augmentation des salaires. Leur grève fut victorieuse.
Développement du mouvement syndical
Les activités syndicales se réduisirent après l’échec de la Révolution Constitutionnelle d’Iran (1905-1911). Mais la Grande Révolution d’Octobre 1917 en Russie eut beaucoup d’influence en Iran. En 1928 les ouvriers imprimeurs se remirent en grève et obtinrent toutes leurs revendications : 8 heures de travail par jour, l’augmentation des salaires et le droit à la convention collective. A ce moment-là une dizaine de syndicats de diverses branches d’activités furent créés. En 1920 les différents syndicats de la ville de Téhéran se rassemblèrent en un “Conseil Central des Syndicats”, lequel fut joint par d’autres syndicats des autres villes. Le C.C.S. adhéra à l’internationale des syndicats ouvriers (PROFINTERN).
Le 1er Mai fut fêté par des manifestations de rue pour la première fois en 1922. A cette époque-là environ 100000 ouvriers travaillaient dans les industries pétrolières et d’extraction, de textile, de soie, de fabrication de tapis, de cuir, de pêche, d’imprimerie etc.30000 de ces ouvriers s’étaient syndiqués dans 20 centrales ouvrières. Mais une grande partie du prolétariat du pays, celle du pétrole, ne pouvaient pas se syndiquer, car la compagnie anglaise qui avait la concession de l’exploitation du pétrole iranien au Sud du pays, imposait ses politiques répressives aux ouvriers de cette branche industrielle très importante. Durant ces années-là les ouvriers firent grève plusieurs fois pour les revendications économiques et gagnèrent souvent. Mais au fur et à mesure les revendications politiques furent aussi exigées, parmi lesquelles celles des ouvriers du livre qui demandèrent la levée de l’interdiction de la publication de certains journaux et magazines et qui firent reculer le gouvernement de l’époque.
Dissolution des syndicats
Le début du règne de la dynastie monarchique des Pahlavi marqua la fin des libertés politiques et la pression sur les syndicats commença. Le C.C.S. fut déclaré illégal en 1925 et les ouvriers délégués furent arrêtés. Les syndicats ouvriers continuaient cependant leurs activités clandestinement et même en 1928 le syndicat des ouvriers des industries pétrolières fut créé au cours d’une conférence dans laquelle les statuts et règlements intérieurs furent votés par les ouvriers. La formation de ce syndicat était d’une importance primordiale pour la prise de conscience et l’organisation des ouvriers, car à ce moment-là presque la moitié des ouvriers industriels d’Iran travaillaient dans cette branche économique.
Le syndicat des ouvriers du pétrole prépara, dès sa constitution, une grève pour l’amélioration des conditions ouvrières et contre le renouvellement du contrat injuste avec l’Angleterre. La grève devait commencer le 1er Mai 1929, mais quelques jours auparavant certains dirigeants et membres du syndicat furent arrêtés. Le régime et la compagnie pétrolière commirent des actes répressifs afin d’empêcher cette grève. Les répressions et les arrestations n’influencèrent guère la détermination des ouvriers et la grève débuta le 3 mai. Les ouvriers exigèrent les points suivants : augmentation des salaires de 15%, légalité des syndicats, officialisation du 1er Mai, 7 heures de travail par jour pour les jeunes de moins de 18 ans, baisse des heures de travail pendant l’été à 7 heures par jour, un mois de congé payé annuel, abolition des licenciements arbitraires, participation des délégués ouvriers pour les recrutements et licenciements, assurance des accidents du travail et de vieillesse etc. Les forces de répression du régime et de la compagnie pétrolière anglaise arrêtèrent 300 ouvriers, licencièrent certains autres et ainsi étouffèrent la grève.
Reformation des syndicats et des luttes ouvrières
De cette époque-là jusque septembre 1941,date à laquelle les forces des Alliés entrèrent en Iran et Réza Chah Pahlavi fut renversé, les syndicats ouvriers n’existaient pratiquement pas. Réza Chah pratiquait des politiques de répression. Il faisait arrêter les militants ouvriers et syndicaux, les assassinait sous des tortures barbares et ainsi étouffait la moindre protestation ouvrière. Malgré les répressions de cette période les ouvriers faisaient grève de temps à autre, mais le mouvement ouvrier n’était pas vraiment actif et les ouvriers étaient dans une situation absolument injuste et exploités d’une manière effroyable. La chute de Réza Chah entraîna une reprise des activités licites et la réapparition relative des libertés politiques. Les syndicats ouvriers se reformèrent. A cette époque-ci le nombre d’ouvriers industriels d’Iran avait accru considérablement et atteignait 650000 ouvriers. Un an après la chute de Réza Chah deux centrales ouvrières étaient formées, “le Conseil des Syndicats Ouvriers” et ” l’Union des Ouvriers et des Paysans”. En 1944 de différentes centrales se sont fusionnées pour fonder “le Conseil Central Unifié des Syndicats des Ouvriers et des Travailleurs”. Ce Conseil comptait deux ans plus tard plus de 200000 membres. Ce fut alors une des périodes d’importantes luttes ouvrières. De nombreuses grèves eurent lieu. Les plus importantes de ces grèves furent celle de 9 usines de textile d’Ispahan en 1942 qui fit baisser le temps du travail de 10 à 8 heures par jour. Trois mois plus tard les ouvriers de ces usines fondèrent “le Syndicat des Ouvriers d’Ispahan”. Ce syndicat se joignit plus tard au Conseil Central Unifié avec ses 15000 adhérents. En 1946 plusieurs grèves s’effectuèrent dans l’industrie pétrolière parmi lesquelles celle du 14 juillet 1946 qui fut réprimée par les forces gouvernementales.
L’évolution du mouvement ouvrier et syndical d’Iran à ce moment-là entraîna son adhésion à la Fédération Mondiale des Syndicats Ouvriers (W.F.T.U.). La croissance du mouvement syndical en Iran inquiéta beaucoup l’Etat et malgré les répressions, ce dernier décida de mettre en place ses propres syndicats. Sous le gouvernement du Premier ministre Ghavam, “l’Union des Syndicats Ouvriers d’Iran” (E.S.K.I.) fut alors organisée qui n’a pas eu beaucoup d’influence sur les ouvriers. Un autre syndicat fut fondé de la même manière qui n’a pas joué de rôle important non plus. L’objectif de ce genre de syndicats gouvernementaux était bien sûr de contrecarrer le mouvement indépendant de la classe ouvrière et de ses organisations. En 1946 le gouvernement de Ghavam fit voter le premier code du travail en Iran et cela à cause des luttes ouvrières. Dans la deuxième moitié des années 1940 les syndicats étaient de plus en plus sous pression et ont choisi davantage les formes semi-clandestines d’activités. L’un des plus grands événements de ces années-là fut la grande grève des ouvriers de l’industrie pétrolière en mars 1951 qui toucha pratiquement les 30000 ouvriers de la raffinerie.
Répression du régime du Chah
Le coup d’Etat du 19 août 1953 de la C.I.A. américaine contre le gouvernement de Mossadegh mit pratiquement fin aux activités indépendantes des syndicats ouvriers. Les syndicats d’Etat dirigés quelques années plus tard par la SAVAK (police politique du Chah), ne défendaient évidemment pas les intérêts des ouvriers. A ce moment-là les peuples d’Iran ont été complètement privés des libertés et des droits démocratiques. Les organisations syndicales ouvrières ont été déclarées illégales et les ouvriers étaient sauvagement exploités. Le régime du Chah réprimait toute protestation ouvrière. Les militants ouvriers étaient emprisonnés et quelquefois les mitraillettes répondaient aux ouvriers comme la fusillade des ouvriers de l’usine de textile de Djahan-e-Tchit au cours de laquelle 4 ouvriers furent tués et plusieurs autres blessés. Quelques ouvriers qui militaient au sein de notre Organisation ont été aussi fusillés. Après ce coup d’Etat et jusqu’au renversement du régime du Chah en 1979, les ouvriers n’ont jamais baissé les bras et ont lutté pour leurs justes revendications sous la dictature. Durant les années 1957-58 plusieurs grèves se sont produites dans les industries du pétrole et du textile des villes de Chahi et d’Ispahan au cours desquelles des augmentations de salaires étaient demandées. Au début de l’année 1971 quelques grèves furent déclenchées dans des usines de textile. Dans la deuxième moitié des années 1970 les protestations ouvrières prirent des allures considérables. Les ouvriers contestaient l’inexistence des droits, la dictature et l’exploitation sauvage. Le rôle principal des ouvriers dans la Révolution de 1979 qui renversa le régime du Chah n’est pas négligeable. En septembre 1978 les ouvriers pétroliers de la raffinerie de Téhéran se sont mis en grève. Tout de suite les ouvriers des raffineries des villes d’Abadan, de Chiraz, de Tabriz et d’Ispahan se sont joints à eux. La grève générale des ouvriers de l’industrie pétrolière assomma le régime du Chah alors qu’il se trouvait dans une crise profonde à cause du mouvement protestataire populaire grandissant. La grève des ouvriers du pétrole entraîna celle des autres branches comme le textile, la métallurgie, des mines de charbon et de cuivre etc. A ce stade-là dans les usines et les établissements de services les comités de grèves se sont formés et les coordinations des grèves s’effectuaient contre le régime monarchique. La grève générale et nationale de tous les ouvriers assommait le régime et l’insurrection armée des 21 et 22 février 1979 renversa le régime dictatorial du Chah.
De cette situation révolutionnaire et du cœur des comités de grèves sont nés les conseils ouvriers. Les ouvriers organisèrent alors ces conseils dans les plus grandes unités de productions. Ces conseils instauraient le contrôle ouvrier dans les établissements où les patrons s’étaient enfuis. Ainsi les ouvriers continuaient à lutter pour leurs revendications. Le niveau des connaissances politiques des ouvriers augmentait considérablement à ce moment-là.
Dissolution des conseils ouvriers par la République islamique
Cette période des libertés relatives et des conseils ouvriers n’a pas duré longtemps. Deux ans après le renversement du Chah, la République islamique priva les gens de toutes les libertés et de tous les droits démocratiques par une campagne éhontée de répressions. Elle recommença alors la répression et l’exploitation sauvage des ouvriers. Depuis 1981 à nos jours des centaines d’ouvriers et de militants du mouvement ouvrier ont été exécutés par le régime islamique. Des centaines d’autres ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Beaucoup ont été licenciés et certains autres sont recherchés. Certains se sont réfugiés dans de différents pays. Les ouvriers d’Iran sont frustrés de toute organisation indépendante. Les conseils et associations islamiques que l’on trouve dans les établissements et usines ne défendent non seulement pas les intérêts des ouvriers mais en plus sont des organes d’espionnage du régime contre les ouvriers. Malgré toutes les pressions du régime islamique, ces dernières années, les ouvriers luttent sous diverses manières et obtiennent de temps en temps quelques victoires. Il est évident que rien ne pourra arrêter le mouvement ouvrier bien qu’il soit sous les pressions les plus sauvages. Mais il ne faut pas oublier que les pressions économiques et politiques qui pèsent sur la classe ouvrière d’Iran entraîna l’inexistence de toute organisation indépendante ouvrière qui cause à son tour l’affreuse exploitation et la répression moyenâgeuse. La classe ouvrière d’Iran continuera sa lutte. Elle demande à ses camarades ouvriers du monde entier de l’y aider et leur demande de faire pression sur le régime de la République islamique en dénonçant ses crimes dans le monde entier au sein des organisations internationales ouvrières.